Hôtel Paradiso : thriller burlesque de Familie Flöz
Ce collectif berlinois a conquis le monde entier avec son délicieux mélange de théâtre masqué et de clown sans parole. Hôtel Paradiso est à Paris pour la première fois. Un joli spectacle tout public à découvrir à Bobino.
Malgré son charme désuet, l’Hôtel Paradiso arbore fièrement quatre étoiles, sans doute grâce à la source miraculeuse sur laquelle il est bâti. En grande partie aussi grâce à la gestion stricte de sa propriétaire, une veuve acariâtre qui maintient les activités, bon an, mal an, avec ses deux rejetons. En effet, pas facile de maîtriser ce groom acrobate, cette femme de chambre cleptomane et ce cuisinier sanguinaire !
Névrose familiale
Niché au creux des Alpes Suisses, cet l’Hôtel Paradiso n’a donc rien d’un havre de paix. Il devient même le cadre d’une tragique histoire de famille semée de rebondissements. Il faut dire que cette source censée soulager les douleurs physiques et psychiques attire une galerie de personnages hauts en couleurs. Alors, que va-t-il advenir de ce petit hôtel de famille pas si respectable que ça ?
Après avoir joué à guichet fermé au Chêne Noir, dans le cadre du festival d’Avignon 2013, Hôtel Paradiso a reçu le Prix de la critique du Off. En 2015, il connaît le même succès au Festival international du Fringe d’Edimbourg. Mais la Familie Flöz, fondée par Hajo Schüler et Markus Michalowski il y a une vingtaine d’années, connaît le succès pour d’autres spectacles. Pas étonnant que la compagnie tourne dans le monde entier !
Théâtre de masques et jeu physique
Déjà, l’absence de texte permet de se produire n’importe où. Ensuite, le théâtre de masques, rare sur nos scènes, suscite l’engouement. Trop souvent cantonné aux traditions (théâtre japonais, balinais, africain, etc), au théâtre antique ou à la commedia dell’arte, il a su prouver que son langage singulier pouvait être source d’innovations, comme au Théâtre du Soleil , avec son grand maître Erhard Stiefel, ou dans les mises en scènes inoubliables de Benno Besson.
En outre, il comporte l’intérêt d’un jeu physique, car le port d’un masque implique un travail très subtil, notamment sur les postures et l’énergie. Personnage à part entière, le masque détermine chaque mouvement, mais c’est l’acteur masqué qui écrit la scène avec son corps.
Chez la Famille Flöz, la technique est parfaitement maîtrisée. Il existe une vraie symbiose entre le masque et son interprète. Un peu comme un texte, le masque apporte non seulement une forme, mais aussi un contenu adapté. Les costumes sont parfaits, les accessoires bien choisis, chaque détail est soigné. Et surtout les réalisations en papier mâché sont particulièrement réussies, avec ces nez protubérants, ces mentons fuyants, ces regards. Des gueules quoi ! Et aussi des œuvres, à part entière, au style bien reconnaissable.
Même si un peu plus de folie ferait vraiment décoller le spectacle, on se laisse volontiers embarquer dans cet univers foutraque. C’est un bon divertissement et les comédiens sont excellents, surtout qu’ils sont seulement quatre pour camper cette tribu incroyable ! Un tour de force, mais aussi un défi relevé grâce à une mise en scène bien rythmée et efficace.
Sarah Meneghello
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